« Ahh ! » 2009

« Ahh ! » ou comment réinventer des formes d’étreintes de Stephane Keruel

                  Créé au Théâtre le Fou fieffé en oct 2008                                                 représenté dans plusieurs appartements et dans les gares de l’Arbresle, Vienne et Villefranche (co-production SNCF) en mai 2009, et dans le cadre du festival « les petites scènes déménagent » (Brest) en sept 2009

Avec Karine Dufaut et Serge Ayala / Mise en scène Florence Meier

 « Ahh ! ! est un soupir à peine timbré. Il provient d’un creux en soi, peut -être commun à tous, que l’on peut situer, de manière assez conventionnelle, juste sous la voûte du diaphragme. Ahh ! serait le son de ce creux, ou peut-être l’écho d’un vide que l’on peut ressentir à l’épicentre des places publiques. Ahh ! n’est jamais l’expression d’un affaissement. Il se situe à égale distance du gouffre et de la jouissance. »

C’est une pièce poétique : deux personnages qui  expérimentent entre eux et avec le public des tentatives de rencontres, d’étreintes. Ici, le mot « étreintes »signifie embrasser au sens large. Etreindre un corps, un espace, un public. Etreindre avec son corps, sa voix, ses mots, son regard. Le mot « étreindre » sous-entend le désir dans tous les sens du terme.

 Elle : « J’ai la parole, je me vis en vous. Vous voulez bien que je m’approche comme ça ? J’ai besoin … de réjouissance. Je saute d’une situation à l’autre. Cela évoque certainement un besoin pressant de divertissement. On me reproche parfois cette compulsion, parce qu’elle renverrait à une douleur d’être…communicative, voire contagieuse. Oui mais quelle immense affection j’ai, moi, pour cette douleur brute et vivante. »

Le sujet du spectacle est la rencontre entre un homme et une femme mais aussi la rencontre entre deux acteurs et un public. Ce qui motive la rencontre c’est le désir de vivre, de l’autre, de l’inconnu.

 

Intentions de Mise en scène

« Je cherche dans le jeu des acteurs, une circulation entre l’intériorité et l’extériorité, entre ce qui se manifeste et ce qui est mystérieux. Les acteurs  créent  un rapport d’intimité avec le public. Chaque spectateur  est témoin d’un dévoilement. Je cherche  à entrer en résonance avec le public, c’est-à-dire, que ce que vit l’acteur puisse résonner dans le corps du spectateur. 

L’acteur est tour à tour agissant et témoin de ses actions, à la fois à l’intérieur de lui-même et à l’extérieur. Il prend le public à témoin de ce qui se passe en lui. Il joue la scène et en même temps il y assiste, il est dedans et à l’extérieur de lui-même. Quand je dis « Etre témoin de soi même », c’est en toute humilité et  avec un petit  sourire aux lèvres, sourire de ses failles, de la dramatisation de ses actes, être conscient de son ridicule, avec douceur.

L’acteur  témoigne  du langage qui passe à travers lui, de ce que cela provoque en lui. La langue est incorporée, appropriée. La parole libère et devient acte, toujours dans l’instant, dans le présent de la représentation. Le public regarde et est regardé, mis en lumière. Il devient témoin de ce qui se joue sur scène. 

Pour ce spectacle, j’ai voulu juxtaposer différents registres de jeu, comme si par moment ces deux personnages ne jouaient pas dans le même film. C’est un moyen d’éprouver  la difficulté de se comprendre, de parler la même langue. C’est aussi une façon de montrer  ces phrases dramatiques, intenses que l’on dit à des moments impromptus. Les grandes déclarations d’amour se font parfois dans des situations quotidiennes et banales ou de grands éclats de rire viennent couper un moment très solennel.

Un espace n’est jamais neutre, il est habité avant notre présence. Ce spectacle prend l’espace avec son histoire, sa configuration, son énergie. Comment « habiter » un lieu, celui qui se présente à nos yeux et à nos corps ici et maintenant ? Le rapport que les comédiens entretiennent avec le lieu de la représentation est le même que celui du jeu : c’est à dire réinventer des formes d’étreintes. Comment étreindre un lieu ?

Quelle rencontre entre les acteurs et le public ? Quelle rencontre entre les deux personnages ? Quelle rencontre est possible dans ce lieu ? et à quel endroit ? Dans cet angle ? Ou sur l’escalier ? « 

Florence Meier

Habiter c’est d’abord demeurer, séjourner auprès de quelque chose, ce n’est pas simplement « être à côté de » c’est être saisi par la présence de ce auprès de quoi l’on est.

 

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